La lutte contre les usages non autorisés d’images en ligne repose aujourd’hui sur des outils technologiques de plus en plus performants. Des sociétés spécialisées dans la protection des droits des photographes — Pixways, PicRights, Pixsy, Copytrack, PhotoClaim, Copyright Agent ou encore Rights Control — utilisent des logiciels de tracking pour détecter automatiquement les reproductions de photographies sur internet.
Mais comment fonctionnent réellement ces technologies ? Quelles différences entre les prestataires ? Et surtout, quelles sont les limites juridiques de ces systèmes dans le cadre de réclamations d’indemnisation ?
Qu’est-ce que le tracking d’images ?
Le tracking d’images, ou traçage, est un procédé consistant à rechercher sur internet la présence d’une image donnée, à partir d’un fichier source ou d’une empreinte numérique. Il repose principalement sur des techniques de reconnaissance visuelle automatique, comparables à celles utilisées par les moteurs de recherche d’images inversées.
Lorsqu’une correspondance est détectée, le logiciel collecte les informations d’URL, la date d’indexation, les métadonnées éventuellement visibles, et parfois des éléments de contexte (langue, position dans la page, présence d’une signature, etc.).
Cette détection, une fois validée par l’opérateur, peut donner lieu à l’ouverture d’un dossier de réclamation, souvent automatisé, adressé à l’auteur présumé de la reproduction.
Les principales sociétés de tracking : quelles méthodes techniques ?
Pixways (PixTrakk)
Pixways propose via sa solution PixTrakk un service de surveillance du web français et international. Le logiciel utilise une empreinte numérique unique pour chaque image (hash ou signature algorithmique) afin de la retrouver, même si elle a été redimensionnée ou légèrement modifiée.
Pixways opère principalement sur les marchés francophones, et est utilisé par des agences telles que SIPA Press ou Magnum Photos.
Les détections sont souvent enrichies par des captures d’écran et horodatages automatiques, mais sans véritable constat d’huissier.
PicRights
PicRights est davantage orientée vers les grandes agences de contenus visuels internationales (Getty Images, Reuters, AFP…). Elle exploite une technologie de reconnaissance propriétaire, reposant sur une base de données massive d’empreintes visuelles.
L’approche est plus industrielle : le tracking est mondial, et les dossiers sont rapidement transformés en courriers d’indemnisation automatisés, souvent accompagnés d’une menace de poursuites.
En pratique, les preuves produites se limitent à des captures d’écran, sans cadre légal formel.
Copytrack
Copytrack combine une technologie d’IA de reconnaissance d’images avec une interface en ligne pour ses clients photographes. Il propose une surveillance en continu, avec notification automatique dès qu’une image est détectée.
La plateforme est conçue pour une logique de recouvrement à grande échelle. Une fois le cas identifié, un courrier est envoyé au nom de l’auteur, avec montant chiffré et lien de paiement.
Les preuves ? Une simple page récapitulative contenant l’image, l’URL détectée, et parfois une capture. Pas de constat d’huissier, ni démonstration d’originalité.
Pixsy
Pixsy cible les photographes professionnels, avec une interface intuitive permettant de surveiller jusqu’à plusieurs dizaines de milliers d’images. L’outil s’appuie sur une base de données propriétaire et des crawlers qui indexent en permanence le web.
La particularité de Pixsy : le photographe peut valider manuellement chaque cas avant que la société n’engage la procédure. Cela évite certains faux positifs, mais n’empêche pas l’automatisation des relances et des montants réclamés.
Copyright Agent / PhotoClaim / Rights Control
Ces sociétés opèrent sur un modèle similaire : une détection centralisée, suivie de l’envoi d’un courrier juridique-type, au nom de l’auteur ou d’une agence.
- Copyright Agent travaille avec des agences de contenus visuels comme Alamy.
- Rights Control est le mandataire privilégié d’agences comme Sucré Salé ou House of Pictures.
- PhotoClaim, basée en Pologne, agit en majorité pour des photographes indépendants.
Dans tous les cas, les méthodes de détection sont proches : analyse visuelle automatique + déclenchement d’un process juridique.
Les limites juridiques de ces outils de détection
Bien que performants sur le plan technique, ces systèmes ne suffisent pas à établir une infraction au regard du droit français. Plusieurs points doivent être rappelés :
- La preuve de la reproduction doit être légalement recevable
Les captures d’écran générées par les plateformes ne constituent pas, en elles-mêmes, des preuves juridiquement incontestables.
→ CA Paris, 5-1, 15 janv. 2019, n°17/04725 : la reproduction doit être prouvée dans des conditions respectant les exigences de loyauté et de garantie, notamment via constat d’huissier.
- L’originalité de la photographie n’est jamais démontrée
Les courriers de réclamation partent du principe que toute image est automatiquement protégée par le droit d’auteur, ce qui est faux. Il revient au demandeur de prouver que l’image porte l’empreinte de la personnalité de l’auteur (CPI, art. L. 112-1).
→ Tribunal de grande instance de Paris, 22 juin 2017, 2015/17233 : l’originalité ne peut être présumée.
- L’auteur ou le mandataire doit prouver sa qualité pour agir
Dans bien des cas, la société qui envoie le courrier ne fournit aucun contrat de cession ni mandat exprès. Or, en vertu de l’article L. 113-1 CPI, seule la personne physique auteur ou son cessionnaire habilité peut engager une action.
Conclusion : tracking ne vaut pas condamnation
La détection automatique d’une image en ligne ne suffit pas à justifier une demande de paiement, encore moins à caractériser une infraction au droit d’auteur.
Chaque dossier doit faire l’objet d’une analyse juridique précise :
- image originale ou non ?
- reproduction illicite ou usage légitime ?
- mandat valide ou demande sans fondement ?
Notre cabinet intervient en amont de toute réponse, pour vérifier la solidité de la demande, sécuriser vos intérêts et éviter tout paiement abusif.