L’usage d’images en ligne, qu’il soit intentionnel ou non, peut parfois donner lieu à des réclamations plus ou moins fondées. Depuis quelques années, des sociétés spécialisées dans la détection automatique de photographies — Copytrack, Pixsy, Copyright Agent, et autres — se sont multipliées. Elles notifient aux utilisateurs l’utilisation supposée non autorisée d’une image protégée, accompagnée d’une demande de paiement immédiat.
Dans ce contexte, une question revient souvent : faut-il simplement retirer l’image pour mettre fin au litige ?
La réponse, malheureusement, n’est pas si simple.
Supprimer une image ne suffit pas à éteindre toute responsabilité
Le retrait de l’image n’efface pas rétroactivement l’atteinte potentielle aux droits d’auteur. En droit français, la contrefaçon s’analyse au moment de la reproduction ou de la représentation, sans qu’il soit nécessaire que l’atteinte perdure.
🔹 Article L. 335-3 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) :
« Est également un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d’une œuvre de l’esprit en violation des droits de l’auteur […] »
Ainsi, le retrait de l’image peut être un geste de bonne foi, mais il ne met pas automatiquement fin à la responsabilité engagée si l’image était effectivement protégée et reproduite sans autorisation.
Encore faut-il prouver l’originalité et la titularité des droits
Avant d’envisager toute indemnisation, la charge de la preuve incombe au demandeur :
- Prouver que l’image est originale, c’est-à-dire qu’elle porte l’empreinte de la personnalité de son auteur (CPI, art. L. 112-1). Ce n’est jamais automatique.
La jurisprudence retient que l’originalité ne peut être présumée. - Prouver qu’il détient les droits ou agit valablement pour le compte du titulaire (contrat de cession ou mandat exprès).→ Article L. 113-1 et suivants CPI : seule la personne physique ou morale titulaire des droits peut agir.
- Fournir une preuve recevable de la reproduction illicite. Une simple capture d’écran issue d’un logiciel de détection n’a pas la même valeur qu’un constat d’huissier.
Retirer l’image désamorce rarement le litige
Dans certaines situations, retirer immédiatement l’image peut suffire à éviter l’escalade, notamment si :
- l’image n’est manifestement pas originale, ou issue d’une banque d’images gratuite mal identifiée,
- le photographe ne justifie ni mandat, ni cession, ni même originalité,
- la demande est manifestement abusive ou automatisée, sans analyse juridique sérieuse.
Mais dans d’autres cas, le retrait ne suffira pas, surtout si :
- un préjudice chiffré est allégué,
- l’image a été massivement diffusée ou utilisée à des fins commerciales,
- l’auteur peut démontrer ses droits et l’originalité de la photographie.
Ce qu’il faut faire (et ne pas faire)
✅ Réagir rapidement, en conservant une copie de l’image, du site, et de la réclamation.
✅ Vérifier l’origine de l’image : a-t-elle été achetée, libre de droit, ou utilisée par erreur ?
❌ Ne pas ignorer la demande, au risque de poursuites.
❌ Ne pas payer dans la précipitation, sans contrôle du fondement juridique.
En conclusion : prudence et accompagnement juridique
Retirer une image est un premier pas, mais ce n’est pas une garantie de non-responsabilité. Dans un contexte où les demandes de paiement sont souvent automatisées, il est essentiel de faire vérifier la solidité juridique de la demande avant de prendre position.
Notre cabinet accompagne régulièrement particuliers et entreprises confrontés à ce type de réclamation. Notre rôle : analyser la preuve, évaluer l’originalité, vérifier les mandats, et vous défendre contre les demandes abusives ou disproportionnées.