Photographie et droit d’auteur : quelles images présentent un risque accru de contrefaçon ?
En matière de propriété intellectuelle, toutes les photographies ne présentent pas le même risque juridique. Certaines images, en raison de leur caractère potentiellement original, sont plus susceptibles d’être protégées au titre du droit d’auteur. Il est donc essentiel de savoir les identifier pour anticiper d’éventuelles réclamations pour contrefaçon, et se défendre efficacement si une telle demande survient.
Qu’est-ce qu’une photographie protégée par le droit d’auteur ?
Selon l’article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle (CPI), les œuvres photographiques peuvent bénéficier de la protection du droit d’auteur à condition d’être originales, c’est-à-dire qu’elles doivent porter l’empreinte de la personnalité de leur auteur.
La jurisprudence européenne et française précise les critères concrets d’appréciation de cette originalité. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rappelé dans son arrêt du 1er décembre 2011 (affaire C-145/10) que l’originalité d’une œuvre suppose des choix libres et créatifs de la part de son auteur.
Les juridictions françaises ont précisé que ces choix peuvent se manifester à différentes étapes du processus photographique :
- Lors de la préparation, par exemple dans le choix de l’appareil, de l’objectif, des réglages, de la pellicule, du cadrage, ou de l’angle de vue
- Lors de la prise de vue, à travers la composition, l’éclairage, la mise en scène, le choix des sujets et leur posture
- Lors du tirage, par le choix des contrastes, de l’exposition, ou du masquage.
(TGI Paris, 3ème chambre, 2ème section, 12 octobre 2012, n°11/09814 (CA Paris, Pôle 5, chambre 1, 15 Décembre 2010, n° 08/15606 ; CA Paris, 4e chambre, section A, 20 février 2008, n° 06/22330 ; CA Paris, Pôle 5 chambre 2, 13 avril 2012 n°11/07430 CA Paris, Pôle 5 chambre 2, 3 février 2017 n°16/03301)
Ainsi, lorsqu’un photographe exerce un véritable choix artistique, sa création peut être protégée, même si elle repose sur une réalité visuelle préexistante.
Quelles sont les photographies les plus à risque sur le plan juridique ?
Certaines catégories d’images sont plus fréquemment à l’origine de litiges, car elles remplissent plus facilement les critères d’originalité reconnus par les tribunaux. C’est notamment le cas :
- des photographies de mode, souvent mises en scène avec soin ;
- des photographies publiées dans des ouvrages ou magazines artistiques ;
- des clichés pris par des photographes reconnus ;
- des photographies commandées par des marques de luxe, notamment dans l’univers des parfums ou accessoires de mode ;
- des images sportives prises dans un contexte professionnel ;
- des photographies réalisées pour des magazines d’architecture ou de décoration ;
- des photographies représentant des œuvres d’art dans un contexte éditorial ou muséal ;
- des portraits iconiques de célébrités (cinéma, télévision, art, design, etc.).
Ces images, généralement professionnelles et diffusées dans des circuits haut de gamme, ont souvent été créées dans des conditions réunissant les éléments d’originalité exigés par la jurisprudence.
Reproduire une photographie originale : une contrefaçon systématique ?
Pas nécessairement. Le simple fait d’avoir reproduit une image relevant d’une de ces catégories ne suffit pas à caractériser une contrefaçon. En droit français, la contrefaçon suppose que soient réunies plusieurs conditions :
- l’œuvre doit être originale,
- il doit y avoir eu reproduction illicite,
- et cette reproduction doit porter atteinte aux droits patrimoniaux de l’auteur (article L. 122-4 CPI).
Or, la charge de la preuve pèse sur le demandeur, comme l’a confirmé la Cour de cassation dans plusieurs arrêts (CA Versailles, 13 octobre 2022, n°21/07289). Cela signifie que la personne ou société qui engage une réclamation doit démontrer la qualité d’auteur ou de cessionnaire des droits, l’originalité de l’œuvre, et la réalité de la reproduction.
Que faire en cas de mise en demeure ?
Si vous recevez un courrier de réclamation ou une mise en demeure relative à l’utilisation d’une photographie, il ne faut pas céder à la panique. De nombreuses demandes sont mal fondées, mal documentées, voire juridiquement contestables.
Avant toute réponse ou régularisation, transmettez-nous le courrier. Nous analyserons sa validité juridique et, si nécessaire, nous prendrons le relais pour défendre vos intérêts, afin d’éviter tout paiement injustifié ou excessif.